Introduction
Le 7 octobre 2023, le monde se réveille dans la stupeur. Le Hamas, organisation terroriste qui dirige de fait la bande de Gaza depuis 2007 a, dans la nuit, lancé une attaque massive contre Israël, le déluge d’Al-Aqsa, causant la mort de 1609 personnes (dont 1180 civils) et enlevant environ 200 personnes afin de s’en servir comme otage et monnaie d’échange contre les prévisibles représailles israéliennes. L’appareil sécuritaire israélien a montré à l’occasion de cette attaque sa faiblesse par excès de confiance. Le Mossad et la CIA avaient bien anticipé et prévenus de l’imminence d’une attaque mais avaient sous-estimés son ampleur et sa portée. De plus, le pouvoir israélien n’a, en amont des attaques et alors qu’il était informé de la préparation de celles-ci, que faiblement renforcé sa surveillance, n’a pas remonté son niveau d’alerte et a laisser s’organiser le festival Nova. Le calcul était double ; le pouvoir était alors confronté à une opposition massive de la rue contre son projet de réforme de la Justice et espérait tirer profit d’un effet drapeau pour reprendre le contrôle des événements et regagner du crédit politique. D’autre part, Benyamin Netanyahu a espéré profiter de cette attaque et s’en servir comme prétexte pour lancer une opération militaire destinée à prendre le contrôle de la bande de Gaza et à organiser l’occupation militaire permanente de l’enclave.
Aucune excuse
Bien que cette attaque constitue une faillite sécuritaire aberrante et révèle le cuisant échec de la politique menée par Benyamin Netanyahu au cours de ses 16 années au pouvoir, ce dernier a refusé de s’excuser pour avoir laissé son pays vulnérable cette incursion terroriste. L’opinion public israélien, traumatisé, a entendu des aveux de responsabilité de la part des chefs des forces de défense israéliennes et de Shin Bet, le service de sécurité intérieure du pays, mais aucun de la part de Benyamin Netanyahu, qui était pourtant de retour aux affaires depuis près d’un an lorsque l’attaque a eu lieu, et avait qui était le responsable de l’enracinement du Hamas à Gaza par sa tolérance passive de l’existence de ce dernier depuis son premier retour au pouvoir en 2007, pensant alors que le Hamas se concentrerait sur l’affaiblissement de l’Autorité palestinienne. Ses seules excuses ont été un message sur les réseaux sociaux, blâmant ses propres chefs de la sécurité pour ne pas avoir déjoué l’agression. Pour Benyamin Netanyahu, qui a occupé pour la première fois les bureaux de la rue Kaplan en 1996, la question de sa responsabilité est un sérieux problème politique. Grâce à une combinaison de vicissitudes électorales, de changements régionaux radicaux et de ses propres capacités politiques, sa longévité cumulée, de bientôt 17 ans, est plus longue que celle de toute autre personne ayant dirigé Israël, un pays qui n’a que deux ans de plus que lui. Au cours de cette période, l’endurance politique de Netanyahou a été construite autour d’un argument simple : « Je suis le seul qui puisse assurer la sécurité d’Israël. »
Israël dos au mur
À la suite du pire massacre antisémite depuis l’Holocauste, puis avec les opérations militaires dans la bande de Gaza, puis au Liban, et plus globalement au Moyen-Orient ; opérations qui ont conduit à la mort de 40.000 Palestiniens (très majoritairement des civils) et déjà près de 2.000 Libanais ; Israël, sous le joug de Benyamin Netanyahu, n’est pas béni par la paix mais assiégé par la guerre. Il y a encore quelques jours, alors que leur réponse se faisait attendre depuis deux mois, les Iraniens ont lancé 200 missiles de croisière sur Israël, la deuxième en six mois, ouvrant la porte à une nouvelle escalade. La pression est telle que les magasins sont fermés et que les piétons restent à distance de sprint des abris anti-bombes. Les combats continuent à Gaza alors que plus de 100 otages sont toujours détenus par le Hamas et depuis la mi-septembre, Israël s’est lancé dans une opération visant à décapiter le Hezbollah, au prix de violations de la souveraineté libanaise et d’un état de guerre de fait entre le Liban et l’État hébreu. À la grande frustration de l’administration Biden, Benyamin Netanyahu n’a toujours pas formulé de plan crédible pour mettre fin à la guerre ou de vision de la façon dont les Israéliens et les Palestiniens peuvent coexister pacifiquement ; sa seule réponse est l’occupation militaire permanente de l’enclave palestinienne. Au lieu de plancher sur la paix, il a savamment organisé l’escalade du conflit sur encore plus de fronts : après le nord avec le Hezbollah au Liban et dans le Golfe avec les Houthis au Yémen ; c’est aujourd’hui surtout contre l’ennemi héréditaire d’Israël, l’Iran, que Tel Aviv se prépare à frapper (hésitant encore la cible entre puits de pétrole ou sites nucléaires). « Nous ne sommes pas seulement confrontés au Hamas », dit le Premier Ministre. « Nous sommes confrontés à un axe iranien à part entière, et nous comprenons que nous devons nous organiser pour une défense plus large. » Préparant et espérant une généralisation du conflit dont il espère tirer profit, en réarimant à sa cause les diplomaties occidentales qui le critiquent tant depuis des mois, Benyamin Netanyahu ne joue plus le pompier pyromane mais le pyromane tout court.
L’histoire de la façon dont Israël est arrivé à ce moment précaire est liée aux ambitions et aux vulnérabilités personnelles du Premier Ministre Benyamin Netanyahu. Dans les mois précédant le 7 octobre, la société israélienne a été profondément fracturée par le projet de loi porté par le Gouvernement d’union de la droite (Likoud) et de l’extrême-droite ultraorthodoxe (Parti sioniste religieux, Otzma Yehudit, Noam) qui cherchait à limiter le pouvoir de la Cour Suprême et à placer une partie du pouvoir judiciaire sous l’autorité du Gouvernement. Le traumatisme collectif de l’attaque du Hamas, si elle a restauré l’unité nationale, a surtout approfondi la défiance à l’égard du Premier Ministre, 72% des Israéliens affirmant qu’il devrait démissionner, soit maintenant, soit après la guerre. À l’étranger, la guerre et les massacres commis à Gaza conduisent à un isolement croissant pour Israël ; en témoignent les mandats d’arrêt contre Benyamin Netanyahu et le Ministre israélien de la Défense Yoav Gallant émis par le procureur de la Cour Pénale Internationale pour des crimes de guerre présumés ou les manifestations anti-israéliennes qui secouent les campus universitaires américains, les plus importantes du genre depuis les années 1970 et la guerre du Vietnam. De plus, en raison de la guerre et du sentiment croissant d’irresponsabilité, autant que par l’instrumentalisation de la question religieuse par des intérêts qui sont hostiles à Israël (que ces derniers assimilent à l’ensemble des Juifs), l’antisémitisme monte dans le monde entier.
L’idée de Benyamin Netanyahu
À l’occasion de son premier déplacement à l'étranger depuis le déclenchement de la guerre, Benyamin Netanyahu s'est adressé aux parlementaires américains durant une session conjointe du Congrès le 25 juillet dans l'espoir de renforcer l'alliance la plus importante pour ce pays. Derrière les ovations de façade, les pressions sur Israël aux deux extrémités du spectre politique étaient unanimes ; du Président Joe Biden au candidat Donald Trump en passant par la Vice-Présidente Kamala Harris, l’ensemble du monde politique américain considère qu'il était temps de mettre fin à la guerre à Gaza, un message réitéré en personne à Benyamin Netanyahu lors de sa visite aux États-Unis. Face à ces pressions, la réponse du Premier Ministre israélien ne s’est pas faite longtemps attendre ; deux jours après son retour à la Kyria, sans même prendre la peine de prévenir la Maison Blanche, Tsahal menait des bombardements sur Beyrouth en vue de l’élimination de Fuad Shukr, conseiller militaire et cerveau stratégique du Hezbollah. Dans la nuit qui suivit, du 30 au 31 juillet, une opération menée par Israël tuait le plus en vue négociateur du Hamas dans une maison d'hôtes gouvernementale fortement gardée à Téhéran ; ouvrant, dans un affront contre l’État souverain qu’est l’Iran, la menace de généralisation du conflit.
Il apparaît évident que Benyamin Netanyahu continue de mener sa campagne à Gaza ou au Liban et poursuit la logique de surenchère uniquement pour des raisons politiques personnelles, pensant à juste titre qu'un accord pour un cessez-le-feu permanent qui ramènerait à la maison les otages restants ouvrirait également la porte à des élections anticipées qui résulteraient immanquablement en sa défaite. Joe Biden lui-même a déclaré le 28 mai qu'il y avait « toutes les raisons de tirer cette conclusion », et en Israël, beaucoup le font. « Netanyahu se concentre plus sur sa longévité au pouvoir que sur les intérêts du peuple israélien ou de l'État d'Israël », a déclaré l'ancien Premier Ministre israélien Ehud Barak, qui a été son Ministre de la Défense pendant six ans. « Il faudra une demi-génération pour réparer les dommages que Netanyahu a causés en une année. » Benyamin Netanyahu, provocateur, réfute ces accusations et les qualifient de « canard ». Il insiste sur le fait que l'objectif à Gaza doit être une victoire si écrasante pour Tsahal que lorsque les combats s'arrêteront, le Hamas ne puisse plus prétendre pouvoir gouverner les territoires palestiniens ni constituer une menace pour Israël. Dans le cas contraire, soutient-il, cela ne ferait que condamner son pays à devoir, à l’avenir, subir de nouveaux massacres et de nouvelles attaques de la part d'ennemis qui veulent éliminer le seul État juif du monde. Avec l’expansion du conflit depuis début août, expansion qui s’est concrétisée par les attaques menées au Liban puis par la tant attendue riposte iranienne, le Premier Ministre israélien dit qu'il cherchait à abattre tous les autres éléments de « l’axe de résistance » de l'Iran, un réseau d'acteurs non-étatiques à travers le Moyen-Orient soutenus par Téhéran mais aussi par la Syrie de Bachar Al Assad et la Russie de Vladimir Poutine (lequel parie sur un élargissement qui contraindrait l’Occident à lever une partie de la pression en Ukraine).
Si la guerre à Gaza s'étendait en un conflit régional, les conséquences pour Israël et le monde seraient dangereusement imprévisibles. Les États-Unis et l'Occident risqueraient en effet d'être entraînés dans un nouveau bourbier du Moyen-Orient, ce qui est au demeurant précisément ce que cherche Benyamin Netanyahu dans l’idée de retrouver une légitimité internationale perdue par les massacres et la défiance de l’opinion occidentale. Les Israéliens craignent de plus en plus que la guerre lancée pour sauver Israël ne se retourne contre l’État hébreu et ne le mette en danger. En effet, si Tsahal peut tenir deux fronts contre des groupes terroristes, à la fois contre le Hamas au Sud et contre le Hezbollah au Nord, il semble toutefois que devoir résister et mener des opérations de haute intensité contre des États souverains, qui, agacés par le sentiment d’irresponsabilité qui anime le Gouvernement israélien, pourraient attaquer directement l’État hébreu en cas d’escalade ou ne pas intervenir pour défendre Tel-Aviv et laisser l’Iran mener ses opérations, soit en dehors des capacités d’une armées israélienne certes puissante mais néanmoins limitée par la géographie et la démographie. D’autre part, les Israéliens craignent que le cycle de la violence et la perception que Benyamin Netanyahu façonne d'Israël pour la prochaine génération et à l’international, perception dont les conséquences causeront des dommages durables à la survie et à l’âme de l’État hébreu, ne soit en réalité encore plus catastrophiques que le menace terroriste pour l’avenir. Pour Benyamin Netanyahu, c'est un risque réel mais qui se justifie : « Être détruit a de plus grandes implications pour la sécurité d'Israël », dit-il. « Je préfère avoir une mauvaise presse qu'une bonne nécrologie. »
Washington tient la manche de Tel Aviv
Plus tôt cette année, le Secrétaire d'État des États-Unis, Antony Blinken, s'est rendu à Tel Aviv pour rencontrer des responsables israéliens à la Kirya. Les bombardements systématiques menés à Gaza par Israël avaient déjà causé environ 30.000 morts, un décompte par le Ministère de la Santé dirigé par le Hamas qui ne fait pas de distinction entre les militants et les civils mais qui est accepté par l'ONU et la Maison Blanche. Près de 2M de Palestiniens avaient déjà été déplacés. C'était déjà une catastrophe humanitaire qui enflammait le monde et le message d’Anthony Blinken à Benyamin Netanyahu était simple : La fin de la guerre, vous avez atteint votre objectif, le Hamas ne peut plus mener à bien un autre 7 octobre. « Ce n'est pas notre objectif », avait alors répondu le Premier Ministre israélien selon un conseiller américain qui a assisté à l’entretien. « Notre objectif est de détruire complètement les capacités militaires et gouvernementales du Hamas. » L'objectif plus large et plus essentiel, a fait valoir Benyamin Netanyahu, est de restaurer la capacité de dissuasion d'Israël non seulement vis-à-vis du Hamas mais aussi vis-à-vis de ses voisins, capacité de dissuasion brisée par les failles de sécurité exposées au sein de l’appareil israélien. Le prix du 7 octobre devait être suffisamment élevé pour le Hamas pour que toute autre puissance envisageant une attaque contre Israël craigne une destruction similaire. Alors qu'Israël fait face à un ennemi cynique qui met en danger son propre peuple pour délégitimer l'État juif en s’en servant comme bouclier humain, le prix de cette approche indiscriminée était déjà évident : le nombre de morts civils augmentait, les Palestiniens avaient du mal à accéder aux soins de santé de base et les pénuries se multipliaient. La calamité a engendré des accusations de contre-attaque disproportionnée.
Benyamin Netanyahu : un destin
Benyamin Netanyahu s'est préparé à mener cette guerre toute sa vie. Sa carrière politique a commencé en tant que diplomate télégénique expliquant les positions d'Israël à la télévision américaine lors de la prise de contrôle de l'ambassade américaine par l'Iran en 1979. Il a été élu et réélu Premier Ministre à huit reprises en faisant de la sécurité nationale son thème fort et en se présentant comme le seul homme capable de préserver Israël de la menace de l’Iran, du Hezbollah et du Hamas. Ainsi, le fait que la pire attaque terroriste de l’histoire d'Israël se soit produite sous son autorité est une blessure personnelle profonde et une tâche indélébile sur son héritage politique, une attaque qui a forcé la commission d’enquête de la Knesset à faire l’inventaire des décisions politiques stratégiques que le Premier Ministre a pris pendant des décennies. La première était de permettre au Qatar d'envoyer des fonds dans la bande de Gaza. Le Hamas était arrivé au pouvoir d’abord par les urnes (par les élections de 2006 promues par les États-Unis et le Président George W. Bush) puis un an plus tard par la force des armes, au milieu des combats entre factions. Israël a d'abord répondu en instaurant un blocus sur l'enclave mais ,en vertu d'une alternance politique et d’un revirement stratégique porté par les Gouvernements Netanyahu II, III, IV et V de 2009 à 2021, des milliards d'argent liquide qatari ont été autorisés à entrer à Gaza. L'infrastructure financée avec la bénédiction d’Israël comprenait plusieurs kilomètres de tunnels, profitant de la double casquette du Hamas (à la fois gouvernant et terroriste) pour masquer la réalité de ses dépenses. Cette idée qui a consisté à offrir au Hamas de l’argent via le Qatar était une stratégie visant à accentuer les dissensions entre les Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza et à saper les perspectives d'un État palestinien unifié. Benyamin Netanyahu a en effet toujours considéré le Hamas comme un atout à opposer à l'Autorité palestinienne. Tant que Benyamin Netanyahu pouvait maintenir le Hamas en vie et le présenter comme une menace pour Israël, il pouvait également facilement se protéger contre les demandes des États-Unis et du reste du monde qui a fait valoir qu'Israël devrait chercher un moyen de réaliser une percée avec les Palestiniens.
Aujourd’hui, au contraire, il soutient que le but des injections d'argent qataries était humanitaire : « Nous voulions nous assurer que Gaza dispose d'une administration civile fonctionnelle pour éviter l'effondrement humanitaire. » De plus, affirme-t-il, l'argent n'a pas constitué la base de la menace éventuelle du Hamas contre Israël : « Le principal problème était le transfert d'armes et de munitions du Sinaï à Gaza. » Sa principale erreur, reconnaît-il, a été de décider, à la réticence de son Cabinet de sécurité, de ne jamais mener de guerre à part entière, laissant proliférer le mal et abandonnant le Hamas à la gangrène politique et militaire du Hamas. Au lieu de déloger une fois pour toutes le Hamas avant que ce dernier n’attaque en premier, Israël a maintenu une politique connue sous le nom de « tonte de l'herbe » ; des combats périodiques destinés à dégrader les capacités militaires du Hamas et à dissuader son désir d'attaquer Israël. Pendant le cycle de tensions et d’escalade qui avait mené à la guerre de Gaza de 2014, au cours de laquelle le Hamas a envoyé des forces en Israël par des tunnels par exemple, et qui avait duré 51 jours ; de hauts responsables israéliens membres du Cabinet de sécurité de Benyamin Netanyahu lui avait présenté un plan pour détruire le Hamas à cette occasion. Ce plan estimait le coût en décès de l’opération à environ 10.000 morts civils à Gaza et près de 500 pertes militaires pour Israël. Toutefois, constatant qu’il n'avait aucun soutien national ni aucun soutien international pour une telle action, à un moment où il se souvenait qu’il avait besoin des deux pour réussir et survire durablement à une telle guerre, Benyamin Netanyahu avait alors écarté cette option.
Alors que le Hamas se réarmait en secret, Israël offrait le spectacle de sa propre division. En janvier 2023, après que Netanyahu ait réussi à reconquérir le pouvoir pour la troisième fois, s’appuyant sur une coalition comprenant des partis d'extrême droite auparavant considérés comme trop extrêmes pour gouverner, il a proposé un projet de loi radical afin d’affaiblir le pouvoir judiciaire avec lequel il avait des démêlées. Le projet de loi a déclenché une immense contestation incarnée par des dizaines de milliers d'Israéliens manifestants chaque week-end. Quelques mois avant l’attaque du 7 octobre, en juin, alors que les premières informations des renseignements sur une potentielle menace d’attenant arrivaient sur son bureau, Benyamin Netanyahu brandissait déjà cette menace en signe de dissuasion : « Vous nous affaiblissez, et notre ennemi va le voir, et nous allons en payer le prix ! » Au milieu de ce tumulte, le Hamas avait prévu d'infiltrer Israël par voie terrestre, aérienne et maritime, et pas seulement pour une attaque unique. Le plan du 7 octobre était de sécuriser le sud d'Israël et de continuer d’aller plus loin dans le nord, selon deux sources israéliennes de haut niveau qui ont examiné la documentation du Hamas découverte à Gaza. « Ce n'était pas un plan pour blesser Israël », déclare une source qui a examiné les documents. « Il était prévu que ce soit la première étape de l'opération visant à détruire entièrement Israël. »
La guerre de Gaza
L'invasion de Gaza par Israël, lancée le 27 octobre 2023 par Benyamin Netanyahu sous la forme d’une pénétration de grande échelle au sol épaulée de frappes aériennes, s'est faite dans un calcul à froid. Le Hamas intégrant intentionnellement son infrastructure militaire à des zones densément peuplées, Tsahal a sciemment fait le choix de mener des attaques qui infligeraient inévitablement des pertes civiles très importante, sacrifiant la vie des Palestiniens sur l’autel de sa volonté d’anéantissement du Hamas. Cette opération et les « dommages collatéraux » qui l’ont accompagnée ont été très largement soutenus par une opinion publique israélienne pour qui, depuis le 7 octobre, la mort de Palestiniens était devenu un prix tragique mais nécessaire pour protéger l'État-nation établi après l'Holocauste. Un sondage de PEW en mai, indiquait ainsi que moins de 20% des Israéliens pensaient que Tsahal était allée « trop loin ». La presse israélienne montre rarement des images de décès de civils. Benyamin Netanyahu, face aux accusations, a déclaré que, pour l'armée israélienne, le rapport entre les décès de civils et de terroristes était de 1 pour 1 à date du 15 mai ; un rapport extraordinairement bas pour du combat urbain de façon générale a fortiori au vu des stratégies de combat et des bombardements à grande échelle menés par Israël.
Pour l’opinion publique israélienne, les otages restent (encore aujourd’hui) la première priorité, loin devant l’éradication du Hamas et surtout, loin devant une quelconque paix. En novembre 2023, Israël et le Hamas avaient conclu un cessez-le-feu temporaire pour échanger 105 d'entre eux contre 240 prisonniers palestiniens. Une semaine plus tard, lorsque les combats reprirent, la crise humanitaire gazaoui, conséquence de l’opération militaire israélienne a retenu l’attention du monde, les critiques, y compris de ses alliés occidentaux, n’ont pas tardé à accabler Benyamin Netanyahu. Ce n'est que sous la pression intense de l'administration Biden que le Premier Ministre israélien a finalement autorisé, début décembre, de plus grandes quantités d’aides humanitaire à entrer dans la bande de Gaza. Lorsque Tsahal s'est préparé à entrer dans la ville de Rafah, au sud de Gaza, dernier refuge des civils déplacés et dernier bastion des combattants du Hamas, Benyamin Netanyahu s'est encore une fois retrouvé face à un Joe Biden inflexible et beaucoup moins conciliant que le compatissant Président américain qui était venu apporter son soutien au peuple israélien meurtri à l’occasion d’une visite diplomatique le 18 octobre.
Le retournement offert par Téhéran
Au printemps, Israël semblait plus isolé que jamais sur le plan international. Benyamin Netanyahu, particulièrement meurtri par les critiques adressées par les chancelleries occidentales, outré par les comparaisons avec d’autres dictateurs et blessé par la couverture de mars de The Economist, a alors considéré qu’Israël se retrouvait seule face au monde et que lui-même, son chef de Gouvernement et figure de proue du pouvoir depuis 20 ans se retrouvait seul face à son devoir et à son destin. Cette vision mythologique et tragique était évidemment exagérée. Quelques semaines plus tard, le 14 avril, l'Iran a offert une absolution diplomatique à Israël en lançant, pour la première fois directement, 300 missiles contre Israël, en représailles à son attaque contre une installation diplomatique à Damas. Sous l’autorité d’un Joe Biden de nouveau soutien indéfectible de son allié hébreu, les forces américaines, britanniques, françaises et arabes se sont toutes précipitées pour défendre Israël et abattre les drones et les missiles qui menaçaient Tel-Aviv.
Benyamin Netanyahu autant que ses soutiens les plus véhéments ne tolèrent en réalité pas de position diplomatique mesurée ; ils n’acceptent qu’un soutien inconditionnel à leurs actions sous peine d’être taxé d’antisioniste voir d’antisémite. Pour la diplomatie israélienne, un gouvernement étranger désireux d'empêcher une escalade régionale ne peut pas à la fois exiger le retour des otages israéliens et demandé des garanties de sécurité pour Israël tout en remettant en question la stratégie et les conséquences de l’opération militaire israélienne à Gaza.
Tensions entre Washington et Tel Aviv
À la fin du printemps, alors que la guerre durait depuis six mois, Joe Biden a fait pression sur Benyamin Netanyahu pour que ce dernier accepte un accord de cessez-le-feu comprenant un retour des otages, un accord qui mettrait fin à la guerre. À la grande frustration de Washington, Benyamin Netanyahu a résisté à la pression et a écarté cet accord ; il ne voulait qu'une pause temporaire dans les combats et exigeait le retour des otages a priori. La raison de cette intransigeance est qu’une pause trop longue voir l’arrêt de la guerre contre l’avis de son propre Gouvernement aurait fracturé sa coalition et aurait conduit au départ des partis d’extrême-droite, fragilisant d’autant un pouvoir déjà chancelant. Benyamin Netanyahu n’acceptera un accord sur les otages que lorsque cela lui conviendra politiquement, preuve une fois de plus que le Premier Ministre est plus préoccupé par sa stature et son leg que par le sort de ses concitoyens.
C’est sur cette toile de fond de tension qu’a été organisé le premier déplacement diplomatique à l’étranger de Benyamin Netanyahu depuis le 7 octobre, un déplacement visant à s'adresser devant une session conjointe du Congrès à Washington. Les équipes diplomatiques de la Maison Blanche autant que les cadres du Parti démocrates au Congrès ont tenté d’empêcher l’organisation de ce discours, dont ils savaient qu’il exacerberait les tensions au sein du parti et au sein du pays sur le soutien de l'administration Bien au Gouvernement de Benyamin Netanyahu. Près de 130 démocrates ont brillé par leur absence au Congrès le jour du discours du Premier Ministre israélien, à commencer par Kamala Harris, qui, en tant que Vice-Présidente et Présidente pro tempore du Sénat, préside traditionnellement les séances de déclaration des chefs d’État ou de Gouvernement étrangers. Cette visite destinée à montrer la solidarité avec l'allié le plus essentiel d'Israël a surtout souligné la division partisane croissante sur la question israélienne. Ces dernières années, les électeurs démocrates se sont détournés et sont devenus moins favorables à Israël et au contraire plus sympathiques envers la cause palestinienne. La guerre de Gaza n'avait fait qu'intensifier cette tendance.
Benyamin Netanyahu a, devant le Congrès, rejeté toute responsabilité du désamour de l’opinion public israélien contre sa cause : « Je ne pense pas que l'érosion tant rapportée du soutien parmi certains pans du public américain soit liée à Israël. » Citant un sondage de Harvard-Harris qui a révélé que 80% des sondés soutenaient Israël tandis que 20% soutenaient le Hamas, Benyamin Netanyahu a souligné qu’une partie importante de l’opinion soutenait une organisation terroriste : « Il y a un problème d’antisémitisme latent en Amérique. […] Chaque excuse est bonne pour propager la haine d’Israël. »
Le Premier Ministre israélien a toutefois habilement su exploiter cette division partisane en se rendant, après son discours, à Palm Beach, dans la résidence privée de Donald Trump afin d’y rencontrer son vieil ami et plus fidèle allié dont il souhaite sans aucun doute le retour à la Maison-Blanche et aux affaires en janvier 2025, un retour qui laisserait les mains libres à Israël pour continuer ses manœuvres à Gaza et au Liban. Donald Trump toutefois, est resté blessé par Benyamin Netanyahu qui s’était retiré au dernier moment de l’opération militaire visant à éliminer Qassem Soleimani en janvier 2020, qui avait torpillé de l’intérieur les accords d’Abraham si chers à l’ancien Président américain et pour avoir félicité Joe Biden pour sa victoire électorale. Venu réparer sa relation avec le milliardaire à Mar-a-Lago, Benyamin Netanyahu a été accueilli chaleureusement par Donald Trump ; après leur conversation, une réunion conjointe de l’équipe fantôme de Trump et du Cabinet de guerre israélien a été organisée depuis la Floride, une réunion qui anticipe déjà un retour du républicain aux affaires en 2025.
La stratégie de l’escalade
La décision d’attaquer le Liban, d’ignorer toute ligne rouge posée par Joe Biden et le Gouvernement américain et la reprise au sud-Liban de la stratégie employée à Gaza de la terre brûlée par les frappes aériennes en appui aux colonnes de chars qui viennent labourer le seul, tuant indistinctement civils et terroristes, put d’ailleurs s’analyser au l’aune de l’élection présidentielle américaine. Joe Biden ne se représentant pas et le Congrès ayant suspendu ses travaux pour la période électorale, Benyamin Netanyahu est inattaquable par l’administration en place en qui il n’a de toutes façons jamais eu confiance. De plus, Benyamin Netanyahu, qui a compris qu’il à tout intérêt à voir le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, a également compris que la question palestinienne divisait l’électorat démocrate et qu’en continuant voit accentuant les massacres, il ne faisait en réalité que renforcer Donald Trump ; une logique caricaturale mais qui semble payante pour lui.
Même fatigué, même acculé, même sous la pression conjointe de son opinion publique et de toutes les chancelleries, Benyamin Netanyahu a tenu bon. C’est même à cela que l’on mesure sa force et la raison de sa survie politique, il est dur au mal. Son inflexibilité et sa radicalité ont même fini par payer, de retour des États-Unis le 27 juillet, un sondage le donne pour la première fois depuis la présentation du projet de loi de réforme de la justice menant ses trois rivaux potentiels lors d'une hypothétique élection anticipée. Moins d'un jour après la rencontre avec Donald Trump toutefois, une roquette du Hezbollah lancée du Liban frappe un terrain de football dans le nord d'Israël, tuant 12 personnes, principalement des enfants ; l’éclaircie fut de courte durée. En représailles à l'attaque sur le terrain de football, Israël a éliminé le 30 juillet un haut commandant du Hezbollah dans une banlieue de Beyrouth, une frappe à l’époque rare dans la capitale libanaise et qui relève évidemment d’une violation délibérée de la souveraineté du Liban.
Quelques heures plus tard, Israël, dans une opération aussi bien menée en amont qu’exécutée en aval, éliminait le chef politique du Hamas, Ismail Haniyeh, tué dans son sommeil à Téhéran, où il s'était présenté à l'investiture du nouveau Président iranien, Masoud Pezeshkian. Triplement humiliés par une telle attaque sur leur sol, contre un de leurs alliés, moins de 10 heures après la prise de fonction de leur nouveau Président, les Iraniens se sont préparés à mener une frappe en riposte contre Israël et se sont préparés à un affrontement ouvert et généralisé avec l’État hébreu. Face à la montée des tensions, Israël est passé en état d'alerte, attendant les représailles iraniennes promises. En avril dernier, un conflit plus large avait été évité lorsque l'Iran avait répondu à la frappe aérienne israélienne qui avait tué un général iranien par une attaque directe massive mais télégraphique, orchestrée et annoncé contre Israël, attaque qui avait été repoussée avec l'aide des défenses alliées organisées par les États-Unis. Cette fois, il semblait évident que les Iraniens n’auraient pas la politesse de prévenir de la frappe et de laisser Israël se protéger ; les deux parties ont de nouveau revendiqué vouloir éviter un conflit plus large, alors même que chaque montée des tensions a titillé la ligne avec des interprétations hésitantes entre dissuasion et provocation.
Une région au bord de l’implosion
Le mardi 1er octobre toutefois, moins d’une semaine après un discours d’une particulière véhémence aux Nations-Unies tenu par le Premier Ministre israélien et en soutien au peuple libanais, l’Iran lançait une salve de missiles sur Israël, salve qui a tué une seule personne mais a montré les limites du système de défense israélien. Tel Aviv se prépare depuis à répondre à Téhéran, mendiant le soutien américain, pour ne l’obtenir que partiellement. Il semblerait que Tsahal choisisse de cibler les infrastructures pétrolières et abandonne ses cibles nucléaires suite à l’intense lobbying de Washington, qui ne les suivra pas dans cette opération.
Pendant ce temps, Israël continue à chercher d’imposer son hégémonie à ses voisins, faisant du Liban le nouveau Gaza et multipliant les bombardements, les raides et les incursions territoriales au Liban. Malgré une condamnation internationale unanime qui pourrait remettre en cause des décennies de progrès avec les pays arabes, Benyamin Netanyahu hypothèque l’avenir de son pays et se coupe de ses partenaires à commencer par la France qui envisage enfin de surprendre ses accords de défense avec l’État hébreu.
Les éventuelles conséquences d’une guerre régionale
Si une guerre de grande échelle et de plus grande intensité a pour l’instant été évitée, bien que sa menace s’alourdisse de jour en jour, Benyamin Netanyahu continue de tenter de laver l'infamie du 7 octobre de trois manières. La première est de débarrasser Gaza du Hamas. La deuxième est de cimenter un accord de normalisation entre l'Arabie Saoudite et l'Israël, ce qui serait une expansion spectaculaire des accords d'Abraham forgés sous Donald Trump, qui ont normalisé les liens d'Israël avec quatre nations arabes. Et enfin rétablir la dissuasion d’Israël vis-à-vis de l’autoprocalmé « axe de résistance » conduit par l’Iran et qu’Israël frappe très largement depuis mi-septembre. Éviscérer le Hamas, fournir à l'État juif un réseau d'alliances au cœur du monde islamique et décapiter le Hezbollah aurait pu transformer une catastrophe diplomatique en un triomphe stratégique.
Les deux premiers objectifs pourraient toutefois s’aligner dans le plan israélien pour un Gaza d'après-guerre. Une fois que le Hamas aura été mis hors d’état de nuir, dit le Premier Ministre, Israël veut recruter des pays arabes pour aider à installer une entité gouvernementale palestinienne civile qui ne constituerait pas une menace pour Israël. « J’aimerais voir une administration civile dirigée par des Gazaouis, peut-être avec le soutien de partenaires régionaux », déclare ainsi Benyamin Netanyahu ; du moins déclarait jusqu’à fin août. En effet, à la fin de l’été le Premier Ministre a finalement, sous la pression de son aile droite, revu sa stratégie et se prépare plutôt à une occupation militaire de la bande de Gaza par l’armée israélienne.
Les Israéliens en effet n’y voyaient pas un scénario réaliste et craignaient surtout pour leur sécurité à long terme. La vérité est qu’il n’y a aucun plan pour conclure cet engrenage et tourner la page de la guerre. Tout d'abord, il a fallu beaucoup de temps à Benyamin Netanyahu pour admettre qu'il y aurait une conclusion, bien qu’il ne l'ai jamais considéré comme proposition viable pour lui, ce qu'il a annoncé est très fragile. De plus, les Palestiniens refuseront toutes les propositions faites par Benyamin Netanyahu, de la gouvernance partagée avec les pays arabes à l’occupation militaire ; ils exigent un État indépendant comme le prévoient tous les accords signés depuis 1948 et comme le réclame l’ensemble de la communauté internationale.
La question centrale de l’État Palestinien
Les destins israéliens et palestiniens restent inextricablement entrelacés. En effet, en l’absence d’État palestinien, Israël devra trouver un moyen d’intégrer pacifiquement des millions de Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza dans son système politique, perdant sa majorité juive à moins de les priver des droits et libertés accordés à la population juive ; créant un État d’apartheid et en perdant au passage sa démocratie et son État de droit. Benyamin Netanyahu pour autant n'a aucun intérêt à superviser la création d'un État palestinien, qui le contraindrait à régler la toute aussi épineuse questions des colons israéliens qui, au mépris du droit international et en utilisant des méthodes qui relèvent là aussi du terrorisme, considèrent la Cisjordanie comme partie intégrante d’Israël et s’y installent, volant la terre qui appartient souverainement aux Palestiniens. Cette population, politiquement acquise à la droite et l’extrême-droite est la réserve de voix de Netanyahu et est surtout une partie de la population qu’aucun pouvoir ne veut se mettre à dos, justifiant donc les politiques de laissez-faire voir d’encouragement à l’installation de colonies. Pour survire à long terme, Israël a donc besoin d’accepter l’existence d’un État palestinien.
Toutefois, avant de régler la question générale de l’État palestinien, la question est de savoir quelle administration va s’installer à Gaza. Benyamin Netanyahu a tracé une voie, dessinant une vision de poches limitées d'autonomie dans les zones palestiniennes où Israël maintiendrait toutefois un contrôle de sécurité primordial, une version de la situation en Cisjordanie aujourd'hui transposée à Gaza.
Riyad a publiquement déclaré qu'Israël devait prendre des mesures aux fins de la création d’un État palestinien afin de conclure un accord de normalisation ; mais la coalition d’extrême-droite au pouvoir en Israël ne tolérera aucun mouvement dans cette direction. Nommer Itamar Ben-Gvir Ministre de la Sécurité nationale et Belazel Smotrich Mnistre des Finances revient à (selon une formule utilisée par le président de l'Union pour le judaïsme réformé Rick Jacobs) accueillir le KKK au Gouvernement. Le premier avait en effet applaudi l'assassinat de l'ancien Premier Ministre Yitzhak Rabin et le second qu’il serait légitime qu’Israël affame les Palestiniens mais que la communauté internationale, par essence antisémite, refusait une telle issue. Ensemble, ils ont entrepris une fronde interne au Gouvernement pour éliminer toute possibilité de souveraineté palestinienne. Belazel Smotrich a par exemple consacré la légalité des avant-postes israéliens (illégaux aux yeux du droit international) en Cisjordanie et a augmenté l'approbation des activités de colonisation pour étendre l'empreinte d'Israël dans les territoires occupés.
Problème supplémentaire : les éléments extrémistes se sont immiscés de plus en plus profondément dans la société israélienne depuis le 7 octobre. À la fin du mois de juillet, un détenu palestinien a été transporté d'urgence à l'hôpital avec de graves blessures après avoir été agressé sexuellement avec un objet en forme de poêle et des manifestants d'extrême-droite, dont des députés, ont pris d'assaut une base militaire pour protester contre l'arrestation des neuf suspects. L’extrémisme qui gangrène la société israélienne est l’un, si ce n’est le principal obstacle à la paix dans la région. Israël étant une démocratie, son peuple à son mot à dire sur la politique menée, et les aspirations du peuple israéliens sont vraisemblablement contraires à la volonté de la communauté internationale et au droit international, empêchant tout Gouvernement, de toutes façons tout aussi extrémiste, à faire un pas vers la paix et menaçant d’autant, à long terme, l’existence même d’Israël, qui n’a pourtant pas manqué de menaces depuis sa fondation il y a 76 ans.
Conclusion
Au milieu du sentiment de danger existentiel, Benyamin Netanyahu se présente, comme toujours, comme l'homme qui peut s'assurer que le sionisme survive à la guerre, cherchant à faire de son propre sort, l’alpha et l’omega de celui de son peuple, dans le but d’assurer son avenir. Ehud Barak, l'ancien Premier Ministre israélien, successeur de Benyamin Netanyahu en 1999 puis Ministre de La Défense au sein de son Gouvernement de 2007 à 2013, considère que le Premier Ministre croit à son destin, s’est auto persuadé de son rôle salvateur ; et surtout, jouit du chaos créé par le Hamas et qu’il a instrumentalisé. En fin de compte, ce sera bien l'électorat israélien qui déterminera l’avenir ; l’avenir de Benyamin Netanyahu, l’avenir de la guerre, l’avenir d’Israël (et de fait de l’existence d’un État palestinien) et de la région. Même si 7 Israéliens sur 10 disent qu'il devrait démissionner, le sondage Channel 12 a montré que Benyamin Netanyahu a repris du poil de la bête depuis son assaut généralisé sur le Liban et les attaques israélienne, profitant de l’effet drapeau, sa popularité atteinte presque 40% au 4 octobre, presque un an jour pour jour après les terribles attaques qui ont désavouées sa politique et qui auraient du marquer sa fin.
La propre histoire du pays, bien trop chargée au vu d’une si courte longévité, souligne la vulnérabilité de Benyamin Netanyahu. La Première Ministre Golda Meir avait dû démissionner quelques mois à peine après la guerre de Yom Kippour en 1973, lorsque l'Égypte et la Syrie avaient attaqué Israël le jour le plus saint de l'année juive, tuant plus de 2600 soldats israéliens. Benyamin Netanyahu a lui-même déjà été un juge sévère des dirigeants responsables de catastrophes militaires. En 2008, après la publication d'un rapport accablant sur la gestion de la guerre du Liban de 2006 par le Premier Ministre Ehud Olmert, il a qualifié ce dernier d'inapte et d'incompétent : « Le gouvernement est en charge de l'armée, et il a lamentablement échoué » avait-il déclaré à l'époque. « L’échelon politique et son leader refusent d'assumer leurs responsabilités et de faire preuve d'intégrité personnelle et de leadership — ce que la majorité décisive du public attend d'eux. — »
Depuis son bureau de la rue Kaplan, il ne fait aucun doute que Benyamin Netanyahu a l'intention de rester Premier Ministre. « Je resterai en fonction tant que je croirai pouvoir aider Israël à mener un avenir de sécurité, de sécurité durable et de prospérité », a-t-il déclaré ; la vérité étant qu’il se croira toujours nécessaire à son pays en tant que chef du Gouvernement, a foritiori compte tenu du fait que son départ de ses fonctions rimera inévitablement avec une séquence bien moins plaisante pour lui, celle du bilan, des commissions d’enquête et des procès nationaux voir, si l’on peut se plaire à rêver, devant la Cour Pénale Internationale. Le Premier Ministre israélien considère qu’il est la seule personne capables de diriger son pays en temps de guerre. Si cela est peut-être vrai, il apparait toutefois évident qu’il n’est pas la bonne personne pour assurer que la situation d'après-guerre sera celle de la paix et de la sécurité.
Dans tous les cas, ce sera la décision du peuple israélien. Un peuple artificiellement maintenu dans le silence par la guerre qui se prolonge mais qui dira ce qu’il a à dire quand le Premier Ministre israélien acceptera de partir, contraint ou forcé.