Depuis la démission au début du mois de mars du Premier ministre, Ariel Henry, le chaos règne en maître à Haïti. L'ONU, qui doit mettre en place un conseil de transition, affirme que les discussions progressent. Mais la population doute de l'efficacité d'une aide internationale. Des gangs, des milices d'autodéfense, refusent de se soumettre et réclament la formation d'un nouveau Conseil national. Jusqu'ici, aucune solution ne semble émerger et dans les quartiers, notamment ceux de la capitale Port-au-Prince, la violence est quotidienne, à tel point que le gouvernement américain a mis en place, au mois de mars, une rotation d'hélicoptères pour évacuer ses ressortissants. Chaque jour, une soixantaine de citoyens américains quittent Haïti, exfiltrés. Une zone hors de contrôle que Catherine Russel, directrice de l ‘UNICEF, compare à la pire des fictions. "La situation est effrayante en Haïti, les gangs tiennent la capitale et les aéroports. On se croirait dans une scène de Mad Max", dit-elle. Pourtant, l'ambassadrice de l'ONU, chargée de superviser la formation d'un conseil de transition, affirme que les discussions progressent. Mais c'est le genre de déclaration qui peut sembler être davantage de l'optimisme volontaire, de la méthode Coué, que de l'analyse pragmatique des rapports de force entre la classe politique haïtienne, les chefs de gang qui contrôlent les rues et une population tétanisée par les assassinats, les enlèvements et les viols. La population est épuisée, particulièrement par les catastrophes récurrentes qu'a traversées le pays depuis plusieurs décennies. Tremblements de terre, ouragans, épidémies de Covid, de choléra... Des situations très souvent impossibles à gérer pour le pouvoir haïtien qui est instable.
Les aides internationales sont également parfois détournées. Le rent-seeking (recherche de rente) est peut-être aux racines du mal, ce qui a conduit le pays au chaos. Ce terme anglais désigne une tendance à s'enrichir ou à tirer profit d'une situation politique ou économique. C'est l'une des raisons pour lesquelles l'aide internationale fonctionne peu en Haïti. Tout ou presque a été détourné : l'argent des séismes ou comme celui dernièrement du fonds Petrocaribe pour assurer l'approvisionnement du pays en carburant. C'est ce qu'affirmait en décembre le sociologue Auguste D'Meza à Radio Canada. "Petrocaribe, il n'y a pas eu vol, il y a eu pillage. C'est comme des pirates qui attaquent un bateau en pleine mer", expliquait-il. Des aides financières détournées par les élites et dont n'a jamais bénéficié la population haïtienne.
Tout au long de son histoire, les gangs ont joué un rôle important dans la société haïtienne, mais la violence a atteint son paroxysme avec l'assassinat du président Jovenel Moïse, le 7 juillet 2021. Moïse a été abattu par un groupe de mercenaires colombiens à son domicile situé dans la banlieue de Port-au-Prince et, à ce jour, l'identité du commanditaire de l'assassinat n'a pas été déterminée. Outre l'absence de président, le pays n'a pas organisé d'élections législatives ou générales depuis 2019 et il n'y a pas d'élus, les mandats des précédents étant arrivés à terme. Depuis l'assassinat de Moïse, le pays est dirigé par le Premier ministre, Ariel Henry, qui est de plus en plus impopulaire. « En conséquence, les gangs, qui jusqu'à récemment étaient rivaux, ont mené des attaques coordonnées au cours des six derniers jours", explique Da Rin, de l'International Crisis Group, à la BBC le 12 mars 2024 suite à l’évasion de plusieurs gangs des prisons haïtiennes.